

HISTOIRE DE L'ARCHÉOLOGIE ARLÉSIENNE
Un patrimoine d’exception au fil du temps
La manière d'appréhender les vestiges arlésiens a profondément évolué, d’une admiration esthétique aux XVIe-XIXe siècles à une approche scientifique rigoureuse depuis les années 1930. Cette lente mutation, marquée par des siècles d’érudition, de destructions parfois irréversibles, puis d’engagements militants et institutionnels, a mené à la création en 1974 du service archéologique municipal d’Arles, dont le service archéologique du musée est l’héritier.


XVIe – XIXe siècle : du goût des ruines à la conscience patrimoniale
Depuis le Moyen Âge, les Arlésiens entretiennent un lien fort avec leur passé antique. Dès 1389, l’obélisque du cirque romain est mis au jour puis déplacé et redressé au XVIIe siècle sur la place de l’Hôtel de Ville, signe d’un premier geste patrimonial.
Au XVIIe siècle, la statue de Jupiter trouvée à Trinquetaille rejoint l’Hôtel de Ville, tandis que musées lapidaires et cabinets de curiosités apparaissent.
On assiste en 1784 à la création d’un musée lapidaire public dans l’église Saint-Honorat des Alyscamps en partie transféré en 1805 dans l’église Sainte-Anne. Mais il ne s’agit pas encore d’archéologie : l’objet ancien est perçu comme curiosité ou trophée. Les fouilles visent à extraire des pièces spectaculaires, comme la Vénus d’Arles offerte à Louis XIV en 1684.
Dans le même temps, les destructions sont nombreuses : l’Arc du Rhône est abattu en 1684, d’autres monuments disparaissent au fil des aménagements urbains.


1830 – 1928 : vers une démarche scientifique moderne
Au XIXe siècle, une sensibilité patrimoniale émerge. Commissions municipales et nationales suivent les travaux de dégagement, restauration et construction.
Les cryptoportiques, les thermes de Constantin ou le théâtre antique, classés au titre des monuments historiques en 1840, font l’objet de premiers dégagements systématiques.
Des architectes comme Jules Formigé et Auguste Véran, ou l’association des Amis du Vieil Arles (créée en 1903), structurent cette dynamique. En rive droite, des recherches se concentrent sur les mosaïques, avec Gaston de Luppé et Jules Formigé.
Néanmoins ces avancées coexistent avec de lourdes destructions liées aux travaux d’aménagement du territoire : voies ferrées, écluses, etc. Le cirque romain, les entrepôts de Trinquetaille, ou encore les nécropoles des Alyscamps et de la Triquette sont impactés et partiellement détruits.
1928-1956 : Fernand Benoit et le lancement de l’archéologie de sauvetage
L’arrivée de Fernand Benoit en 1928 comme conservateur et directeur des Antiquités de Provence marque une inflexion décisive. Archéologue de terrain, il mène des recherches méthodiques sur la topographie antique et publie en 1936 le premier inventaire des vestiges d’Arles. Il engage des sondages sur les deux rives du fleuve, applique dès 1941 la loi Carcopino sur les fouilles préventives, et inaugure une archéologie de sauvetage. Jacques Latour poursuit ses travaux de 1943 à 1956.
Découvertes majeures :
🔷 Niveaux protohistoriques sous les cryptoportiques
🔷 Nécropoles paléochrétiennes de Saint-Genest et Saint-Honorat
🔷 Mosaïques d’Orphée et de la Toison d’or


1956 – 1974 : Un projet de musée et une archéologie structurée
Jean-Maurice Rouquette, prend la tête des musées en 1956. Il milite pour la création d’un musée moderne et transforme l’archéologie arlésienne en un domaine structuré. Il lance dès les années 1960 des fouilles de sauvetage à Trinquetaille et dans le centre-ville, entouré de bénévoles comme Jacques Brémond et Jean Piton, qui deviendront des piliers de l’archéologie locale.
Les fouilles sur le cimetière de Trinquetaille révèlent un vaste monument public. En rive gauche, les travaux de reconstructions permettent d’explorer les niveaux protohistoriques, de mettre au jour des tombes tardo-républicaines. Les cryptoportiques sont de leur côté presque intégralement déblayés.
En 1970, la destruction partielle de la nécropole du cirque, stoppée in extremis, démontre la nécessité d’avoir un véritable service archéologique composé de professionnels.


1974 – 1987 : Naissance et essor du service archéologique municipal
En 1974, la ville d’Arles crée l’un des premiers services municipaux d’archéologie en France. Dirigé par Jean-Maurice Rouquette, il est renforcé par l’arrivée successive de Jacques Brémond, Jean Piton, puis de Claude Sintès. Ce service, intervient sur les grands chantiers urbains, participe à des fouilles programmées et contribue à la création du futur Musée de l’Arles antique. Sur le terrain, l’équipe bénéficie en sus de l’appui de bénévoles locaux regroupés en 1982 au sein du Groupe Archéologique arlésien (1982).
Parallèlement à ces chantiers, Jean Piton lance les premières investigations subaquatiques dans le Rhône et crée en 1987 le groupe Hérisson Bonaventure dans le but de favoriser les recherches dans ce milieu.
Découvertes notables :
🔷 Maisons protohistoriques du Jardin d’Hiver
🔷 Thermes, voie romaine, domus sur l’Esplanade
🔷 Domus mosaïquées du Crédit Agricole et de la Verrerie.
Certaines découvertes modifient les projets urbains : des cryptes archéologiques sont aménagées sur les sites du jardin d’Hiver et du crédit agricole.


1988 – 2003 : Cirque romain, musée et nouvelles ambitions
Entre 1988 et 1991, les fouilles du cirque romain – amorcées dès 1968 – révèlent une occupation continue du site depuis la protohistoire jusqu’au VIe siècle.
Le musée, sous le nom d’Institut de Recherche sur la Provence Antique (IRPA) ouvre ses portes en 1995, dirigé par Claude Sintès, tandis que Marc Heijmans prend la tête de son service archéologique.
Un suivi systématique des chantiers urbains combiné à un programme d’étude des vestiges conservés dans les caves du centre historique affine la connaissance de l’antique cité d’Arelate.
Dans le Rhône, Luc Long (Drassm), assisté de Jean Piton, multiplie les campagnes de prospection. Des épaves et des dépotoirs d’amphores sont découverts et enrichissent la carte archéologique du fleuve.












2003 – … : une nouvelle ère
La départementalisation du musée (2003) et la loi sur l’archéologie préventive (2001) redessinent l’organisation des recherches à Arles tandis que le service archéologique voit son équipe se renouveler.
Les diagnostics et fouilles préventives sont désormais assurés par d’autres structures, notamment l’Inrap. Le service archéologique du musée se concentre désormais sur la recherche par la mise en œuvre de fouilles programmées de grande envergure, la réalisation de publications scientifiques, l’organisation d’expositions ou encore l’accueil des doctorants.
Les opérations archéologiques en milieu subaquatiques prennent un essor particulier. Le Drassm poursuit ses campagnes dans le Rhône, amorcées à la fin des années 1980 donnant lieu notamment à la découverte du fameux buste présumé de César. Dès le milieu des années 2000, le musée se dote de sa propre cellule subaquatique grâce à laquelle le chaland Arles-Rhône 3 peut être fouillé, relevé et intégré dans les collections.
Un programme de fouilles programmées pluriannuelles est mis en place depuis 2023 dans le cadre d’un Programme Collectif de Recherche en partenariat avec le laboratoire de recherche Centre Camille Jullian (Aix-Marseille Université, CNRS), l’Inrap et le Drassm. Il vise à continuer l’exploitation de ce formidable vivier que constitue le lit du fleuve.
Du côté des fouilles en milieu terrestre plusieurs opérations majeures sont menées. Le musée contribue notamment au chantier de fouille de la cathédrale paléochrétienne de Saint-Césaire et dirige des recherches sur le site de la Verrerie qui a révélé la maison de la Harpiste (lien) aux enduits peints remarquablement préservés. De plus, de nouveaux projets sont à l’étude avec notamment la reprise des données issues des fouilles du cirque romain.
Les vestiges archéologiques d’Arles mis au jour avant 2008 sont recensés dans un volume de la Carte Archéologique de la Gaule accessible au centre de documentation du musée.