

LES PEINTURES DE LA VERRERIE
Une étude hors norme
Le site archéologique de la Verrerie a livré une quantité considérable de fragments de peintures murales (enduits peints). Ils sont associés pour l’essentiel à la célèbre maison de la Harpiste du Ier siècle av. J.-C. et aux domus aux mosaïques.


À la sortie de la fouille, l’étude ce vaste corpus représentait un véritable défi scientifique et patrimonial.
Grâce au partenariat entre le musée départemental Arles antique et l’Inrap, ce projet ambitieux a pu voir le jour. L’étude a été confiée à Julien Boislève, toichographologue à l’Inrap également impliqué sur le terrain.
Qu’est-ce qu’un toichographologue ?
La toichographologie, terme issu du grec toikhographos, « qui écrit ou peint sur un mur », désigne la science consacrée à l’étude des peintures murales et des stucs. Le toichographologue intervient dès la fouille, documente l’emplacement des vestiges, analyse leur effondrement et leur lien avec l’architecture et organise leur prélèvement raisonné.
Ensuite il entame l’étude des peintures pour tenter de faire renaître ces parois. Le décor est alors analysé pour ces aspects techniques, stylistiques, chronologiques et architecturaux et les résultats publiés dans un rapport.
Processus de l’étude
La première tâche consiste au lavage minutieux de chaque fragment. Une fois cette opération achevée, le travail de puzzle s’engage afin de réassembler au maximum les pièces. Le chercheur est confronté à un lot de fragments qui appartiennent à différentes pièces qu’il lui faut progressivement discerner alors même qu’il ignore presque tout des décors au commencement de la phase d’étude.












Ce travail de patience et de minutie est donc principalement basé sur l’observation et une bonne connaissance de la peinture antique. Les milliers de fragments sont réassemblés et disposés dans de grands bacs sur un lit de sable noir. Aux motifs linéaires ou bien identifiés s’ajoutent des surfaces parfois conséquentes, à fonds colorés et unis, qui sont évidemment beaucoup plus difficiles à assembler. Chaque caisse nécessite en moyenne un jour de travail. Le moindre indice compte et l’aspect de surface, la différence de mortier, l’état de conservation, l’amorce d’un motif ou encore le sens de lissage sont autant d’éléments à observer pour trier et rapprocher les fragments. Progressivement, le décor renaît et la compréhension de l’organisation des parois s’affine. Plus les plaques recomposées sont grandes, meilleure est la connaissance du décor et de l’architecture.
Photographiées, dessinées et documentées entre 2017 et 2023 ces peintures donneront lieu prochainement à une restitution graphique permettant de rétablir l’ornementation dans son ensemble et d’en proposer une analyse technique et scientifique.


Un volume de matériel considérable
Sur le site, les vestiges découverts allaient de fresques encore en place conservées jusqu’à un mètre de hauteur à des milliers de fragments épars. Au total 13 parois peintes et plus de 1000 caisses de fragments de fresques ont été collectés, dont 800 appartiennent à la seule maison de la Harpiste.
Calendrier de l’étude (2017-2023)
Dans un premier temps les décors associés aux niveaux archéologiques les plus récents (fin IIe-IIIe siècle) ont été étudiés entre 2017 et 2020 dans l’aile scientifique du musée. Au total 321 caisses ont permis d’identifier 16 décors distincts dont le mieux préservé représente un poète entouré de muses. Il prenait place dans l’une des pièces de la domus d’Aiôn.
Entre 2021 et 2023 c’est l’étude des enduits peints associés à la maison de la Harpiste qui a été lancée. Le volume de matériel (800 caisses) imposait un espace plus conséquent. Le département des Bouches-du-Rhône a mis à disposition la salle d’exposition temporaire du MDAA (2021) puis une annexe du château d’Avignon en Camargue (2021-2023), spécialement réaménagée pour accueillir ce chantier de recherche. Une équipe composée du toichographologue de l’Inrap, de deux archéologues et d’une restauratrice du musée a œuvré à la reconstitution de ce gigantesque puzzle.
Les enduits peints de la maison de la Harpiste : un ensemble unique et majeur
Certaines parois peintes ont pu être remontées sur toute leur hauteur, révélant des informations précieuses sur l’architecture des lieux : hauteur des pièces, emplacement des portes et fenêtres, distribution des espaces. Ce travail minutieux a également permis d’identifier une vingtaine de décors distincts dont certains se rattachent à l’étage de la maison. Ils reproduisent l’architecture de manière illusionniste en adoptant une palette de couleurs diversifiée. Le décor peint le plus remarquable prenait place dans la pièce de réception. Il intégrait une douzaine de personnages de grande taille (mégalographie) faisant partie du cortège de Dionysos. Cet ensemble arlésien, par sa qualité et son très bon état de conservation, constitue une découverte unique en France.












Un avenir muséal pour ces chefs-d’œuvre
À l’issue de cette vaste opération de recherche, le toichographologue travaille désormais sur le rapport et les restitutions qui contribueront à la réflexion menée par les équipes du musée sur les restaurations et expositions à venir.
Grâce à la mobilisation du département des Bouches-du-Rhône et au partenariat noué avec l’Inrap, ce projet ambitieux révèle non seulement un pan oublié de la peinture romaine en Gaule, mais aussi l’importance de la coopération entre les acteurs publics pour faire revivre notre patrimoine commun.