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Levage du chaland Arles Rhône 3 MDAA

L'HISTOIRE DU CHALAND GALLO-ROMAIN ARLES RHÔNE 3

Chapeau
Renflouée en 2011, cette épave est celle d’un bateau à fond plat de 31 m de long. Possiblement construit dans les chantiers navals d’Arles au milieu du Ier siècle, ce chaland était destiné au transport de marchandises (pierres, chèvres/moutons…) dans la section inférieure du Rhône.
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Vidéos de la fouille et du relevage de Arles-Rhône 3
Arles-Rhône 3
Arles-Rhône 3 © Rémi Bénali
Arles-Rhône 3 © Rémi Bénali

Une opération exceptionnelle réalisée en trois ans... un pari réussi !

En 2004, l'équipe du musée était loin de penser que l'élément de bois qui affleurait des sédiments dans les fonds du Rhône, dissimulait un bateau long de 31 mètres, presque entièrement conservé, et qu'il trouverait sa place au sein du musée départemental Arles Antique en 2013.
C'est la manifestation Marseille Provence 2013 qui a incité le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône à prendre la décision d'une opération de renflouage et d'extension du musée avec, pour objectif : l'inauguration en octobre 2013 d'une nouvelle aile dédiée au port fluviomaritime d'Arles à l'époque romaine.

Sortir de l'eau 10 tonnes d'un bois fragile comme du verre sans en briser la moindre partie, restaurer l'ensemble dans des délais défiant toutes les normes, installer ce chaland, mais également plus de 450 objets permettant d'en comprendre le contexte, dans une aile de 800 m² spécialement construite pour l'occasion… et tout cela en moins de trois ans alors que des opérations du même type, réalisées de par le monde (Suède, Royaume-Uni, Norvège…), avaient duré plusieurs décennies ... relevait pourtant d'un pari insensé !

Avec cette opération exceptionnelle, le chaland gallo-romain Arles-Rhône 3 rejoint le club très fermé des bateaux trouvés complets (ou presque) en fouille, renfloués et présentés au sein d'un musée (le Vasa de Stockholm, la Mary Rose de Portsmouth, la jonque Nanhai 1 de Canton, les bateaux vikings d'Oslo).

Levage du chaland Arles Rhône 3 MDAA
Levage du chaland Arles Rhône 3 MDAA ©Teddy Seguin Ipso Facto - MDAA- CG13(5)
Levage du chaland Arles Rhône 3 MDAA ©Teddy Seguin Ipso Facto - MDAA- CG13(5)

De 2008 à 2011 : De la découverte à la fouille

En 2004, une découverte qui s'avèrera exceptionnelle est faite sur la rive droite du Rhône lors d'une mission de carte archéologique conduite par le Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines (Drassm/ministère de la Culture) : l'épave d'un chaland (bateau à fond plat) gallo-romain.

Baptisée Arles-Rhône 3, cette épave était située à proximité de la berge, par 4 à 9 mètres de profondeur. Au moment de sa découverte, seule une petite partie de l'arrière de l'épave émergeait des sédiments. Le reste du bateau était profondément enfoui sous une couche de limons mêlée à des vestiges archéologiques accumulés jusqu'au milieu du IIe s. de notre ère. Plusieurs missions d'expertises, de sondage et de fouilles conduites entre 2005 et 2010 par les archéologues de l'association Arkaeos, le Centre Camille Jullian (laboratoire d'archéologie de l'Université d'Aix-Marseille et du CNRS) et le musée, ont permis de révéler un chaland exceptionnellement bien conservé, englouti dans les eaux du Rhône. Il contenait encore son dernier chargement, le mobilier de bord des bateliers ainsi que ses équipements de navigation.
Le caractère exceptionnel de la découverte et l'intérêt scientifique de l'épave étaient tels qu'ils justifiaient l'entreprise de relevage afin de présenter le chaland au public. Un rythme effréné fut imposé à près de trois cent personnes (archéologues, scaphandriers, restaurateurs, conservateurs, architecte, muséographe, métiers du bâtiment) afin de tenir les délais du chantier.

 
 Arles Rhône 3 levage chaland - été 2011
Arles Rhône 3 levage chaland - été 2011 ©Rémi Bénali - MDAA CG13 (28).jpg
Arles Rhône 3 levage chaland - été 2011 ©Rémi Bénali - MDAA CG13 (28).jpg

2011 : Le renflouage du chaland

L'année 2011 fut consacrée à la fouille et au relevage de l'épave ainsi qu'à la collecte des milliers d'objets archéologiques accumulés au-dessus du chaland après le naufrage de celui-ci. La fouille a été portée par le musée, en collaboration avec le bureau d'étude en archéologie subaquatique Ipso Facto et la société de scaphandriers O'Can sous la direction scientifique du musée.

Durant sept mois, les plongées se sont succédé pour fouiller l'importante couche de sédiments qui recouvrait l'épave puis préparer cette dernière à sa découpe et son relevage.
Dès le départ, le choix a été fait de la sortir en dix tronçons de 3 mètres chacun. Ce choix a été motivé essentiellement pour des raisons de conservation (il est impossible de sortir un tel bateau sans risquer sa destruction) et techniques (liées aux dimensions contraintes des infrastructures de l'atelier de restauration).

L'opération s'est déroulée entre le 12 juillet et le 12 octobre 2011. Les dix tronçons de l'épave ont été remontés un à un des fonds du Rhône et acheminés sur des chariots dans un hangar où ils ont été nettoyés, puis documentés par les archéologues avant d'être redécoupés en quatre sous-ensembles par les restaurateurs pour leur acheminement à l'atelier ARC-Nucléart de Grenoble.

Parmi les 900 m3 de sédiments qui entouraient l'épave, plus de 4 000 objets ont également été prélevés lors de la fouille. La diversité et la qualité de ces objets (amphores, vaisselle en céramique et verre, lampes à huile, monnaies, bijoux, mais également déchets variés) se rapportent à la vie portuaire et à ce quartier d'Arles entre les années 60 et 140-150 de notre ère.

Restauration Arles Rhône 3 Arc Nucléart
Restauration Arles Rhône 3 Arc Nucléart ©Rémi Bénali MDAA
Restauration Arles Rhône 3 Arc Nucléart ©Rémi Bénali MDAA

2012 : La restauration du chaland

Réalisé à l'atelier ARC-Nucléart de Grenoble, le traitement des bois gorgés d'eau a d'abord consisté en l'immersion des bois dans un mélange d'eau et d'une résine synthétique soluble : le polyéthylène glycol (PEG) afin de le consolider.

Le reliquat d'eau encore présent a ensuite été éliminé par lyophilisation. Cela s'obtient en abaissant la température à -30°C dans une enceinte, le lyophilisateur, où est placé le bois. Son eau se transforme en glace. Une mise sous vide provoque ensuite le phénomène physique de « sublimation » de la glace, qui se caractérise par son évaporation. En moins de deux mois, toute la glace disparait et le bois devient sec.
La proue et le mât du bateau, présentant de nombreux renforts en fer, ont bénéficié d'un traitement complémentaire qui a consisté à imprégner le bois au moyen d'une résine liquide polyester durcie ensuite par irradiation au rayonnement gamma. Les analyses chimiques ayant par ailleurs révélé le développement de sulfure de fer (la pyrite) dans le bois à proximité des clous, il a été décidé, afin d'éviter la dégradation du bois, d'extraire la quasi-totalité des 1 700 clous de fer qui assemblent le chaland et de procéder à un curettage préventif du bois.

Travaux extension mdaa
Travaux extension mdaa © Rémi Bénali
Travaux extension mdaa © Rémi Bénali

2012 : L'extension du musée

Les travaux d'extension du musée étaient destinés à recevoir le chaland Arles-Rhône 3, et plus de 450 objets en lien avec la navigation, le commerce et le port romain d'Arles.
Cependant, procéder à l'extension d'un musée pour recevoir un chaland antique de 31 m, et les découvertes d'une cité classée au patrimoine mondial de l'Unesco, n'était pas sans difficulté.

La collaboration entre l'équipe de maîtrise d'œuvre du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, en charge du programme architectural et muséographique de l'extension, et les équipes du musée a permis de répondre aux contraintes techniques, muséographiques et de conservation, sans oublier le contexte historique du site.

Il a été choisi de conserver le registre formel et les matériaux du bâtiment existant, tout en utilisant les structures laissées en attente, pour développer l'extension dans la continuité du parcours muséal. Garder le contact visuel avec le fleuve et les vestiges, ouvrir les collections sur la cité, offrir par transparence ce patrimoine aux promeneurs, ont été les éléments essentiels du projet qui présente le chaland gallo-romain de nouveau amarré au quai de chargement qu'il avait perdu.
Il a été choisi de l'exposer comme s'il était à flot, dans une fosse de 35 m de long destinée à suggérer l'onde du fleuve et à dissimuler la structure sur laquelle il repose.

Conception et réalisation du socle d'acier : bureau d'étude I-Concept, société CIC-Orio.
Le remontage du chaland © Rémi Bénali / MDAA
Le remontage du chaland © Rémi Bénali / MDAA

2013 : Le remontage du chaland

Afin de présenter le chaland, un socle de 31 m de long et de huit tonnes d'acier a été réalisé. Il consiste en une puissante poutre centrale en acier, relevée à ses deux extrémités, supportant des plateaux métalliques destinés à recevoir les éléments du fond plat de l'embarcation. Des bracelets métalliques reçoivent, sur les côtés, les lourds flancs du chaland.

Le chaland a d'abord été remonté par moitié en 2013 dans un atelier de Grenoble avant de revenir, en pièces détachées, au musée afin d'y être installé dans la fosse. La partie disparue du flanc bâbord arrière du chaland a été restituée par un fac-similé afin de donner une meilleure lecture de la poupe du bateau.

Le caisson et les cloisons destinés à recevoir le chargement de pierres ont été en partie remontés et des fac-similés d'une partie des pierres de chargement ont été disposés à l'intérieur.

La vaisselle de bord a été remise en place autour du fond de dolium (grande céramique) disposé sur un discret support fixé à la structure de base.

Le mât de halage découvert en plusieurs fragments a été consolidé, redressé et maintenu en position verticale à l'aide d'un axe en inox stabilisé par trois câbles fins tendus en partie haute.

Enfin, la pelle de gouverne, malgré sa longueur de plus de 7 mètres et ses deux fragments, a été mise en balance sur son point d'équilibre à l'arrière du chaland.

Conception et réalisation du socle d'acier : bureau d'étude I-Concept, société CIC-Orio.

Extension du musée
Extension du musée MDAA © Lionel Roux
Extension du musée MDAA © Lionel Roux
extension
©G-Charlier-MDAA
©G-Charlier-MDAA

Programme muséographique et présentation des objets

La définition du parcours muséographique a été élaborée de concert avec la conception architecturale et l'étude des éclairages.

C'est autour du chaland, pièce maîtresse de cette nouvelle aile du musée, qu'a été dessiné un parcours qui se veut souple : la boucle peut être abordée dans les deux sens, la circulation reste fluide, laissant au visiteur le temps et la liberté de la découverte. Tout au long du parcours, plus de 450 objets illustrent trois thèmes : la navigation, le commerce fluviomaritime, le port romain et ses activités. Le mobilier et les vitrines qui abritent ces objets ont été conçus et réalisés dans la continuité de la muséographie, afin de rester fidèle à l'esprit des lieux et de proposer aux visiteurs une unité de présentation. Dominant le bateau, la superbe statue de Neptune accueille les visiteurs et veille sur ce trésor.

La section Navigation dans les collections permanentes du musée
La section Navigation dans les collections permanentes du musée © Rémi Bénali, MDAA
La section Navigation dans les collections permanentes du musée © Rémi Bénali, MDAA

La navigation

Une diversité d'objets exposés dans la vitrine de la navigation

En plus du chaland, divers équipements de navigation viennent compléter l'exposition. Des ancres en pierre, une en fer composées de bois, fer ou plomb, issues des fouilles du Rhône et des Saintes-Maries-de-la-Mer sont ainsi présentées et nous montrent la diversité des ancres utilisées dans l'Antiquité.

Des éléments d'accastillage sont également présentés dans la vitrine de la navigation : chaumards à tête de canard, plomb de sonde, taquets, cabillots ou quinçonneaux utilisés pour raidir les cordages. Ainsi qu'une exceptionnelle poulie en bois qui a conservé un fragment de corde au sein de sa gorge. Divers éléments du chaland, trop fragiles ou trop petits pour être replacés sur le bateau, ont pris place également dans cette vitrine : quelques-uns des 1 700 clous en fer, un amalgame de chiffons de laine poissés ayant servi à l'étanchéité de la coque et la monnaie votive du bateau.

Extension
© Lionel Roux, MDAA
© Lionel Roux, MDAA

Le commerce fluviomaritime

Le commerce fluviomaritime est primordial puisqu'il rend compte du rôle essentiel joué par la cité, carrefour de voies romaines et première étape pour les navires remontant le Rhône.
Les amphores, récipients les plus communément transportés sur le fleuve, sont exposées chronologiquement le long du chaland, depuis le Haut-Empire jusqu'à l'Antiquité tardive.
Cinq sections permettent de découvrir les principaux vases de transport et la vaisselle de table provenant de Gaule, d'Italie, d'Espagne, d'Afrique du nord et de Méditerranée orientale.
Les minerais sont représentés par des lingots de cuivre, d'étain, de plomb et de fer.
Avec pas moins d'une douzaine d'épaves chargées de barres de fer, l'importation de ce minerai dans l'axe rhodanien constituait un trafic important.
Des pierres issues du chaland Arles-Rhône 3 et un sarcophage dégrossi en calcaire de Beaucaire, transporté par bateau, montrent l'importance des carrières locales.

croquis extension
© Atelier départemental de maîtrise d'œuvre
© Atelier départemental de maîtrise d'œuvre

Le port antique et ses métiers

La section consacrée au port est dominée par la statue de Neptune, dédiée au nom d'une corporation de bateliers, les lenunclarii, comme l'atteste une dédicace inscrite sur le socle. Cette section permet d'aborder les métiers liés au port et ses infrastructures : les chantiers navals, les entrepôts, les ateliers, les bureaux pour l'administration, etc. Deux mille ans plus tard, Arles est toujours un port et le Rhône continue à jouer un rôle essentiel dans la vie de la cité.

Arc Nucléart et Marie Laure Courboules (mdaa)
Arc Nucléart et Marie Laure Courboules (mdaa)
Arc Nucléart et Marie Laure Courboules (mdaa)

L'entretien du chaland Arles-Rhône 3

Depuis son installation au musée en 2013, les équipes du musée développent un protocole de surveillance et d'entretien du chaland.

Ce bateau est sensible aux variations climatiques, à l'empoussièrement et à la bio-altération. Il doit faire l'objet d'une surveillance constante. Après un premier constat de son état en 2014, les équipes de spécialistes réalisent chaque année un état des lieux afin d'en contrôler l'état : conservation des matériaux, déformations et pertes de matière éventuelles, possibles reprises de corrosion...

Parallèlement à ces constats d'état, le protocole de suivi comprend aussi un examen régulier (contrôle visuel et mesures) ainsi qu'un dépoussiérage partiel. Ces opérations sont réalisées par les équipes du musée, en collaboration avec le Centre Camille Jullian (laboratoire d'archéologie d'Aix-Marseille Université et du CNRS) et la société Ipso Facto.